Dr C. Solano
« Nourrir, c’est aimer. Et les personnes que l’on nourrit le plus mal dans notre pays, ce sont les plus fragiles de notre société, les malades hospitalisés, les personnes âgées en EPHAD, les enfants dans les cantines, les personnes emprisonnées ».
Ces paroles m’ont fait un choc. J’étais au cinéma pour voir un film Zéro-phyto 100% bio.
La nourriture infecte de l’hôpital
On mange très mal dans les collectivités, particulièrement à l’hôpital. J’ai accouché un 30 décembre, et le repas du 31 décembre, je m’en souviens encore. Un bol rempli d’eau de couleur marron vert qui m’a fait pensé au liquide où les enfants trempent leurs pinceaux pour les nettoyer. Ils appelaient ça de la soupe ! Une purée infecte et un fruit en béton. La viande, n’en parlons pas, j’ai horreur de ça alors celle de l’hôpital… J’ai téléphoné à tous ceux qui voulaient venir voir le bébé en disant : « pas de cadeau, par pitié, apportez-moi à manger ! »
Le meilleur régime amaigrissant, l’hôpital !
Cela peut paraître un non événement, mais pour beaucoup, c’est le début de la mort annoncée.
Entre 30 et 60 % des personnes hospitalisées sont dénutries ! Bien sûr, une partie d’entre elles l’est à cause de sa maladie, de ses traitements, et du manque d’appétit qui leur sont liés. Mais une autre partie préfère jeuner que de manger ce qu’on lui propose. En 2001, 25% des patients des hôpitaux de Paris étaient insatisfaits de leur repas. Ils étaient 52% en 2009 ! Imaginez ce que c’est en 2021…
Plusieurs études montrent que l’état nutritionnel s’aggrave au cours de l’hospitalisation affirmait déjà l’ANAES en 2013. A l’hôpital, il manque 20 à 25 % des apports recommandés à chaque malade quand on prend en compte le résidu des plateaux repas (1) ! Et plus des trois quarts des personnes hospitalisées ne consomment pas l’apport énergétique dont leur corps aurait besoin. Pas étonnant que l’on y perde du poids : les personnes hospitalisées plus de 2 semaines perdent 4,9 kg en moyenne (1)…
Le prix d’un repas pour guérir ? 1,842 € !
Le présentateur du film ZéroPhyto 100 % bio explique : « A l’hôpital, les tarifs d’un repas sont nettement plus bas que dans une cantine. Ils ont des budgets très serrés à respecter ! » Il parle d’un prix aux alentours de 2 € le repas pour l’achat des denrées alimentaires. En faisant quelques recherches, je vois qu’en 2013, au CHU de Strasbourg, on investissait 1,842 € par repas pour acheter les aliments ! Incroyable, mais vrai : c’est calculé jusqu’au millime.
Puis, entre 2013 et 2014, cet investissement a diminué de 6,33 %[1] ! Je ne sais pas où ça en est aujourd’hui, mais il n’y a guère de raison d’être optimiste.
Où allons nous ?
Voici les préconisations pour « maîtriser les coûts », comprenez, faire encore baisser les coût des repas (2) :
– Acheter des produits limitant des manipulations et/ou des transformations : purée et sauces instantanées, légumes épluchés, salades en sachets, œufs liquides, surgelés etc.
– Acheter des produits de négoce ne nécessitant aucune transformation : plats cuisinés, entrées chaudes, surgelés.
– Utiliser des procédés techniques économes du travail humain : cuisson rapide, cuisson automatique de nuit, tunnel de lavage de vaisselle, automates de conditionnement, distribution en plateaux prêts à servir, conception des offices d’étage.
– Liaison froide avec cuisson différée permettant d’alléger les équipes durant les Week-ends et fériés.
– Regroupement géographique des productions : UCPC, cuisine centrale, logipôle.
C’est exactement le contraire de ce que préconisent les spécialistes du bien manger ! Avec de telles préconisation, on risque de manger de plus en plus mal dans les services hospitaliers.
Mal manger, ça coûte 1000 € à l’hôpital !
Un malade dénutri présente 4 fois plus de risques de faire une complication infectieuse qu’un malade normo-nutri », indique l’Académie de pharmacie. Et la dénutrition augmente le coût d’une hospitalisation de plus de 1.000 euros. Cette catastrophe alimentaire entraine des surcoûts hospitaliers importants qui pourraient être évités. En gros, en dépensant 1,50 € par jour en plus pour l’achat de denrées alimentaires, nous pourrions manger bio et 3 étoiles, et l’hôpital économiserait bien davantage sur les complications. Sans parler des souffrances évitées ! Alors, qu’est-ce qu’on attend ?
Je suis certaine que beaucoup d’entre nous seraient prêts à payer 1 euros par repas pour obtenir des repas de qualité, moi oui, pas vous ?
(1) Evaluation diagnostique de la dénutrition protéino-énergétique des adultes hospitalisés septembre 2003 (ANAES)
(2) La restauration en CHU. Conseil National de l’Alimentation CNA et les hôpitaux universitaires de Strasbourg.